Je me souviendrais toute ma vie de cette marche. Nous devions nous rendre en Bretagne depuis Lille où nous avions fuit les bêtes irradiées qui devenaient de plus en plus nombreuses. Le pont que nous devions utiliser pour franchir la seine avait simplement disparu, il ne restait que quelques blocs de béton de parts et d’autres du fleuve. Nous avons dû remonter jusqu’à trouver un viaduc encore debout non loin de Paris. Quelques kilomètres après le viaduc, nous avons rencontré des marécages qu’on ne connaissait pas. Au bout d’un kilomètre, nous avons rencontré des cadavres. Des petits tas de centaines de cadavres, dont il ne restait déjà plus grand chose. Ils s’enfonçaient lentement dans la vase. Plus loin encore, il ne restait que quelques os à la surface, le marécage avait déjà absorbé le reste.
Le sol était d’une consistance spongieuse, mais le lit de cadavres qui s’était formé juste sous la surface permettait d’avancer assez rapidement. Le bruit des os qui se brisaient sous nos pas était effrayant, mais au bout de quelques heures nous n’y fîmes plus attention. Nous avons dû hâter notre marche quand la nuit commençait à tomber, à cause des "mutants" qui peuvent apparaître le soir. Finalement nous sommes parvenus à camper un peu plus loin dans un immeuble que nous avons barricadé. Et nous sommes arrivés sans trop de souci jusqu’à Rennes, mais je n’oublierais jamais le bruit et l’odeur des corps décomposés sous nos pieds…
]]>Enlisé dans quarante centimètres d’un mélange de boue, d’algues et d’organes, il pestait contre le mauvais temps. Le vent radioactif du sud-ouest soufflait fort. Et avec lui cette sensation d’attraper continuellement des coups de soleil alors qu’il fait près de zéro degrés. Dans son sac à dos, il transporte un peu de vivres et la tête tranchée de sa soeur. Il la ramène au tombeau familial. Une bande qui passait près de chez elle avait décidé de tout piller. Et de s’attaquer à elle par la même occasion.
Soulevant difficilement ses pieds du bourbier, il continuait son chemin. Un peu plus loin, en croisant le panneau "Montpellier" attaché en haut d’un arbre, il compris qu’il se rapprochait de la maison de ses parents. Il marmonna.
"Le sud de la France c’est plus ce que c’était."
]]>Sur le grand panneau d’affichage de la gare du nord, une inscription à la peinture :
Paris. Ici ont vécu près de 10 millions de rats qui se prenaient pour des humains.
]]>Il cherche à reconstituer l’histoire de l’humanité. Un travail de titan alors que la plupart de ses contemporains préfèrent simplement faire comme si rien n’a existé "avant".
Pas très loin d’Epinal, la bibliothèque de Julien est autonome et immense. Il a rapidement annexé les maisons environnantes pour stocker le plus gros de la collection. Le travail a été dur, pendant des mois il a dû porter des cadavres, les enterrer, nettoyer les maisons… A ce moment-là il n’était pas encore aidé de la dizaine de personnes qui vivent aujourd’hui dans le village pour l’assister. Julien a gardé la petite bibliothèque à deux niveaux comme habitation, il s’y sent bien.
Au premier étage, dans sa chambre qui est l’ancien espace de lecture pour les enfants, trône un ordinateur sur un bureau. Grâce aux deux petites éoliennes des jardins environnants, le village bénéficie de trois heures d’électricité tous les soirs. Et avec ça la plus grande fierté de l’endroit : un accès internet en temps réel avec le monde entier.
Quand, quinze ans plus tôt, dans un entrepôt en partie détruit il avait rencontré Audrey qui lui avait montré qu’internet marchait encore en certains endroits, il n’aurait jamais cru possible que ça continue d’être le cas. Pourtant, grâce au réacteur nucléaire qui a été remis en route il y a huit ans, les équipements de base du réseau ont pu être remis en marche. Un an plus tôt, le contact avec le reste du monde était coupé par l’épuisement des stocks de fioul alimentant les génératrices utilisées par les noeuds du réseau. Lors des premières déclarations de guerre, des ingénieurs et ouvriers ont eu la présence d’idée d’amorcer l’arrêt de la fusion des réacteurs nucléaires pour éviter les catastrophes. Les Etats-Unis n’ont pas eu la même chance, quinze de leurs centrales ont été attaquées en plein fonctionnement ou procédure d’arrêt…
La remise en marche du réacteur à permis d’alimenter plusieurs structures critiques, ainsi on a pu réouvrir deux hôpitaux. Mais les câbles étant partiellement détruits dans la plupart des régions, et la population se réduisant comme peau de chagrin, la remise en fonctionnement ne peux pas aider toutes les régions. Ça a juste permis une forte concentration autour. Une concentration pour le remettre en marche, avec plus de 300 personnes nécessaire à son fonctionnement, mais aussi une concentration après pour profiter de l’électricité. Ainsi Dampierre-en-Burly est devenu la plus grande ville de france en quelques années. Avec ses presque vingt mille habitants, on la surnomme "le nouveau Paris".
Au bout de cinq ans d’efforts, le village de Julien a pu se relier au réseau via la voie ferrée la plus proche et ses lignes optiques. C’est ainsi que chaque semaine il peut participer à plusieurs dizaines d’articles Wikipédia. Pour lui c’est incroyable, un miracle. Mais c’est surtout la preuve que l’homme est profondément bon par nature, et qu’il n’est pas seul à se battre pour que le savoir de l’humanité ne se perde pas et qu’on continue à le transmettre.
Et pourtant, dans l’histoire qu’il s’échine à réécrire, c’est l’homme qui a essayé d’éliminer toute humanité…
]]>A la surface, les monstres grouillent. Et le plus inquiétant, c’est quand les monstres sont encore un peu humains.
Vincent éclaire le couloir avec sa bougie. A n’importe quel moment un souffle peut le plonger dans l’obscurité. Il protège la flamme de près pour ne pas que ça arrive. Il s’approche d’un mur. Barbès-Rochechouart. Le panneau qui indique le nom de la station est déjà rouillé. La poussière sature l’atmosphère. C’est de la peau humaine. L’odeur insupportable est toujours présente depuis plus de vingt ans. La station a pris feu lors de la première vague d’attaques.
Il cherche un plan de métro au mur. Ici ce sont les seules indications qui permettent de retrouver son chemin, même s’ils sont loins d’être à jour avec les tunnels qui se sont effondrés et les stations par lesquelles il ne faut pas sortir. Mais ils permettent de savoir si on est dans la bonne direction.
Dans certaines stations il y a encore une certaine influence, notamment celles qui sont proches des gares, on y croise ceux qui viennent et repartent à pied ou en vélo le long des voies ferrées. Evidemment la foule n’est plus la même qu’autrefois. Moins dense. Et dans l’obscurité, le métro est toujours glauque. Croiser sur les rails des rames qui n’ont jamais pu aller plus loin et marcher sur les os de ceux qui se sont étouffés lors des incendies et des attaques sont des sensations plutôt étranges. Mais on finit par s’y faire. Les plus jeunes, ceux qui n’ont pas connut l’avant, n’y font même pas attention.
Parfois on peux même croiser des voitures ou des bus sur les voies de certaines lignes, personne n’explique comment ça a pu arriver et tout le monde fait comme si ça avait toujours été là.
La station la plus fréquentée est République, parce qu’elle est au centre de la ville et qu’un petit millier de personnes y ont créé une petite ville souterraine, plutôt impressionante.
Vincent reprends son périple vers Porte d’Orléans. Il doit rejoindre les voies ferrées avant la nuit. La nuit le métro est encore plus dangereux, les rats se réveillent et hantent les tunnels. Des rats gros comme des roues de métro…
]]>Silence. Sanglots. Sa voix hésite. Ses mots tremblent. Ses mains aussi. Elle est abattue. Ses yeux ressemblent à deux étoiles qui meurent au lointain. Le regard livide elle la fixe comme si elle était transparente.
« Je ne peux pas croire que tout ça arrive maintenant. Ça n’a aucun sens ! On avait tant de choses… A imaginer ensemble... »
Des larmes tombent, une à une, sur le carrelage de la salle de bain. Doucement. Comme une caresse. L’obscurité de la nuit enveloppe la pièce.
Elle s’effondre. Allongée par terre, elle ne bouge plus. Elle fixe la nuit à travers le vélux.
Dans la baignoire flottent à la surface de l’eau des vêtements et quelques lettres d’amour dont l’encre finit de s’effacer.
« C’est pas comme si ensemble on avait la force de changer le monde. Comme si on était plus fortes que tous. Tout ça était entre nos mains, malléable à merci. Rien ne pouvait nous résister. Dans ce monde en ruine tu est tout ce qu’il me reste ! »
Les paroles s’envolent et lui retombent dessus. Le froid du carrelage fait frémir sa nuque. Les larmes roulent comme des billes sur ses tempes.
Par le vélux entrouvert on entends l’ambiance du monde extérieur. Des cris, des pas qui résonnent, un brasero qui doit crépiter en bas de la rue, et un silence devenu habituel.
Paris, 2047, la guerre s’est arrêtée depuis quelques années déjà. Elle serre entre ses mains froides la tête de son amie qui ne bouge plus depuis déjà trois jours. Son corps est atrocement mutilé. La peau se décompose même sur ceux qui sont encore vivants. La leucémie les ronge et les achève.
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